« Zephyr, Alabama » ou la déclaration d’amour d’un grand enfant à l’I-Magie-naire

Au fond de leur cœur, les adultes sont toujours des enfants.

p. 244

Des événements extraordinaires – pas toujours heureux – surviennent dans une ville ordinaire, dont est témoin un enfant à l’imagination extraordinaire, et ils subliment sa vie ordinaire. Entre instants de grâce où rêve et réalité n’ont plus de frontière, visions grotesques, scènes écrites sur le mode tant du western que du fantastique en passant par l’horreur, la science-fiction, le macabre – tous ces genres se regroupant sous la bannière de la magie dont est témoin Cory, le narrateur – comme autant d’étapes d’un roman d’aventures, de la plus grande et probablement la plus difficile aventure qui soit : grandir sans que l’enfant en soi ne meure.

Lecture : « Le Carnet d’Or » de Doris Lessing

Cette critique sera plus courte et inaugurera ce qu’on pourrait appeler le format 2.0 de mes articles de la catégorie éponyme, que je veux plus libre et évolutive dans le temps. C’est-à-dire que je compte continuer à parler des oeuvres qui me plaisent comme j’en ai l’habitude, en mélangeant analyse et ressenti à chaud, mais je n’ai pas forcément envie de faire des critiques d’aussi longue haleine comme j’ai pu le faire récemment pour Kra, par exemple. C’est-à-dire que je tirerai une critique globale, sans forcément trop me concentrer sur les détails, même si je ne néglige aucunement leur importance. Je ne veux plus, non plus, systématiquement écrire une critique pour un livre que j’ai lu. À la fin, et j’ai peur que ça ait pu se ressentir sur certaines des dernières critiques que j’ai écrit, j’avais l’impression d’être contraint de vite finir le livre pour écrire la critique et passer au livre suivant, etc, c’était devenu un cercle vicieux où inconsciemment je me mettais la pression pour tenir un rythme artificiel sur le blog qui devrait rester ce qu’il est : un hobby et un plaisir, pas un travail. Ce n’est pas avec ce que j’écris ici que je gagne mon argent, donc ça ne me fait pas de contraintes autres que celles d’un minimum de qualité quant à l’écriture des articles et mon compte rendu de mes lectures ou des autres oeuvres dont je serais susceptibles de parler ici.

Bref, au terme de ce laïus, il serait temps que je parle de ce magnifique roman de Doris Lessing. Avant tout, le résumé de l’éditeur :

Le prix Nobel de littérature 2007 a consacré Doris Lessing comme l’un des plus grands écrivains du xxe siècle. Parmi tous ses romans, remarquables d’intelligence, de passion et d’originalité, Le Carnet d’or demeure l’œuvre phare.
Une jeune romancière, Anna Wulf, hantée par le syndrome de la page blanche a le sentiment que sa vie s’effondre. Par peur de devenir folle, elle note ses expériences dans quatre carnets de couleur. Mais c’est un cinquième, couleur d’or, qui sera la clé de sa guérison, de sa renaissance.
Le Carnet d’or est le portrait puissant d’une femme en quête de sa propre identité, personnelle et politique.

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Lecture : « La Maison hantée » de Shirley Jackson

Hill House, orgueilleuse et patiente, surveillait tout.

p. 266

Quel malentendu que ce roman ! Si la comm’ (quelque peu malhonnête) de l’éditeur le vend comme un roman d’horreur, il n’en est rien, puisque si, certes, il y a du fantastique (quoique ?), c’est surtout la violence psychologique entre les personnages plus exécrables les uns que les autres, qui fait la force terrifiante de ce roman. Pas de fantômes – ou très peu -, mais une horreur humaine, ordinaire, dérangeante, et un drame psychologique génial.

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Lecture : « Frankenstein, ou Le Prométhée moderne » de Mary W. Shelley

Des limites que la science ferait mieux de ne pas franchir, et des conséquences tragiques de cette transgression ; la menace dans l’ombre du mal-être humain et de ses effets terribles, cristallisée dans la relation tragique entre Frankenstein et sa Créature ; mais aussi l’ambiguïté des sentiments que cette dernière peut nous susciter, entre aversion et compassion. Tout ceci – et plus encore, tant la richesse de ce livre est grande – articulé dans une fine et sublime tragédie.

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Lecture : « Ce qu’ici-bas nous sommes » de Jean-Marie Blas de Roblès

Pourquoi devrait-on se guérir d’une fiction alors même qu’elle se tient devant nous comme la seule réalité qui vaille ?

p. 263

Une très belle parodie de rapport d’expédition d’un anthropologue dans une cité étrange, avec un foisonnement d’inventions grotesques et un fabuleux coup de crayon de la part de son auteur. Mais j’ai trouvé qu’il manquait d’implication émotionnelle : on reste sur un texte très érudit qui examine les limites de la science et de la raison avec la crise qui en résulte, mais d’un point de vue trop extérieur à mon goût. Plaisant mais qu’en partie satisfaisant.

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Lecture : « Kra : Dar Duchesne dans les ruines de l’Ymr » de John Crowley

Nous sommes maintenant faits d’histoires, mon frère. Voilà pourquoi nous ne mourons jamais, même quand ça nous arrive.

p. 487

Avec mélancolie et érudition, John Crowley nous fait cadeau d’un roman riche, qui oscille entre revisite de quelques mythologies de l’humanité et méditation sur la mort, l’immortalité et l’activité centrale de ce roman : raconter, le tout articulé autour de l’histoire bien particulière d’une Corneille : Dar Duchesne…

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Lecture : « À la ligne » de Joseph Ponthus

Tâcher de raconter ce qui ne le mérite pas
Le travail dans sa plus banale nudité
Répétitive
Des gestes simples
Durs
Des mots simples

p. 152

Un sublime témoignage de l’expérience d’intérimaire en usine qui, par son écriture, le rythme si particulier d’écrire ses feuillets (à la chaîne – à la ligne – sans ponctuation ni point final, sans arrêt véritable, comme l’usine), nous fait ressentir la peine éprouvée au travail, mais aussi la poésie, la fraternité ouvrière, l’amour, la « paradoxale beauté. » Une lecture percutante sur un monde trop méconnu.

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Lecture : « La Survie de Molly Southbourne » de Tade Thompson

Ce qui est vieux redeviendra neuf, et le neuf deviendra vieux.

p. 24

Reprenant immédiatement où la novella précédente se terminait, La Survie de Molly Southbourne ouvre l’univers tout en refermant les boucles qui n’avaient pas été conclues dans Les Meurtres. Tade Thompson étoffe et nuance les réflexions sur la survie, explore les conséquences psychologiques sur la protagoniste des événements de la première novella, sort de la dimension très intimiste pour ouvrir et agrandir le lore de cet univers très particulier. On ne sait s’il y aura une suite ou non, mais ce serait dommage de s’arrêter en si bon chemin !

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Lecture : « Les meurtres de Molly Southbourne » de Tade Thompson

Rester en vie. Pourquoi ?

P. 79

Entre horreur corporelle, science-fiction et récit initiatique, Tade Thompson explore dans cette novella ténébreuse les mécanismes qu’on peut être prêt à mettre en place pour survivre, parfois nécessaires, parfois absurdes. On y décèle aussi en sous-main une affirmation sur l’auto-appropriation de son corps, notamment chez les femmes ; ainsi qu’une critique des expérimentations scientifiques dignes d’un apprenti sorcier : variation intelligente du mythe de Frankenstein. En outre, l’interview de l’auteur en postface éclaire la lecture concernant ses idées, les discours qui transparaissent derrière le texte et est simplement extrêmement inspirante.

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Lecture : 2666 de Roberto Bolaño

« Tous les cent mètres, le monde change, disait Florita Almada. Dire qu’il y a des endroits identiques à d’autres, c’est un mensonge. Le monde est comme un tremblement. »

2666, p. 652

Introduction

La quête obsessionnelle d’un groupe d’universitaires européens à la recherche d’un écrivain allemand reclus, les monologues intérieurs d’un universitaire mexicain, la recherche du scoop d’un journaliste afro-américain au Mexique, une atroce série de féminicides dans un double fictif de Ciudad Juarez, la vie du fameux écrivain allemand. Non pas livre-monde mais véritablement monde fait livre, l’oeuvre finale du géant latino-américain qu’est Bolaño s’efforce de multiplier les épisodes afin d’explorer, par de discrètes parodies et d’amusants pastiches, le plus de genres littéraires et de styles d’écriture possibles, mais aussi en quête d’une épiphanie. En cinq romans d’apparence autonome, mais reliés par des thématiques, des lieux, des personnages récurrents, 2666 explore les pistes ouvertes par une question primordiale sur laquelle nombre de ces œuvres aux ambitions de totalité ont buté : comment la littérature peut-elle dire les choses, leur absurdité, le mal, l’amour, le sexe, les horreurs de l’histoire – bref, comment la littérature, un roman, peut rendre compte de l’aventure humaine ?

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