Lectures : rétrospective 2019

Je ne suis pas forcément friand de ce poncif de la blogosphère qu’est de lister ce que j’ai lu dans l’année, mais dans un certain idéal de remise en question (en reparlant avec certain.e.s ami.e.s de certaines lectures que j’ai eu dans l’année, en y repensant aussi moi-même par après, constatant peut-être les limites de la critique à chaud, je me suis rendu compte qu’avec le recul j’avais nuancé sinon carrément changé mon avis sur ces lectures), j’avais envie de revenir brièvement sur chacune des lectures de l’année. Je ne les ai pas toutes chroniquées sur mon blog – par manque de temps, d’intérêt ou simplement d’envie. 

Voici donc, mi-chronologiquement, mi-thématiquement, mes lectures de 2019 :

  • Ma première grosse lecture de l’année fut V. de Thomas Pynchon. Auparavant j’avais seulement lu Vente à la criée du Lot 49 que j’avais déjà trouvé excellent et V. a le même genre de délires conspirationnistes avec force références à l’Histoire, à l’art, à la littérature, etc., sans être conspirationniste pour autant, à ce qu’il m’a semblé…
  • Ensuite La main gauche de la nuit d’Ursula K. Le Guin, sur lequel je suis peut-être revenu de manière outrancière concernant mon idée sur le rapport de la SF à notre monde… C’était le premier livre de SF que je lisais depuis longtemps (le précédent ayant été L’homme illustré de Ray Bradbury, lu fin 2017 !), et ça a été une vraie bouffée d’air frais après Pynchon, sans pour autant être dénué de profondeur. L’autrice intègre extrêmement bien son world building dans son livre en en faisant le récit d’exploration d’une planète par plusieurs générations d’anthropologues (+ petit point LGBT+ : les habitants de cette planète son physiquement genderfluid (« bisexués » dans le texte), je vous laisse lire le bouquin pour le découvrir).
  • Après cela, petit virage vers de la poésie récente : Lait et miel de Rupi Kaur, une poésie très simple, avec des textes très courts et des dessins qui sont des croquis inspirés par les textes, mais l’ensemble est très touchant car elle ose dire des choses vraies et de manière vraie. Je pense lire son deuxième recueil en 2020.
  • Ensuite, vu que j’ai suivi un cours en littérature française sur le roman policier, j’en ai lu une série, ce qui m’a fait (re)découvrir le genre, étant donné qu’auparavant j’avais lu un Poirot (Le crime de l’Orient-Express) et la trilogie Millénium… C’était donc :
    • Maigret tend un piège de Simenon, où il explore la thématique du tueur en série, ce qui était une première en son temps de publication, surtout en France.
    • D’entre les morts de Boileau-Narcejac, plus connu sous le titre Sueurs froides à cause de l’adaptation de Hitchcock, qui brouille les frontières entre roman à énigmes (crime, enquête, résolution) et roman noir, étant même parfois à deux doigts du fantastique… bref, Sueurs froides est d’une richesse inattendue et je vous le recommande.
    • Coule la seine de Fred Vargas, trois nouvelles policières où on voit la méthode ou la non-méthode insolite du commissaire Adamsberg pour enquêter.
    • La promesse de Friedrich Dürrenmatt, qui était une relecture, mais cette fois en traduction. Il ne reste pas moins un classique de la littérature suisse, qui écrit une enquête policière pour déconstruire plusieurs codes et poncifs du roman policier, avec une grosse réflexion sur l’intervention du hasard dans le cadre de l’enquête.
    • La position du tireur couché de Jean-Patrick Manchette, énorme classique du roman noir français. Violent, froid, sans concessions, sans espoir, au héros tourmenté et à tous les personnages allant du moralement ambigu au carrément mauvais… 
    • La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker, qui était aussi une relecture, et j’étais content de l’avoir lu dans le cadre d’un cours à l’uni, parce que ça m’a permis de mieux saisir et apprécier les tenants et aboutissants de ce roman qui, loin d’être un chef-d’œuvre, est plus riche qu’on ne le croit, mais qui a souffert d’avoir été monté en épingle par un monde de l’édition en manque de stars… (2/2) 
  • Après cette longue série de polars, j’ai lu l’incroyable Ulysse de James Joyce qui m’a retourné le cerveau pendant plus d’une page avec toutes ses trouvailles d’écriture plus folles les unes que les autres. 
  • Ensuite, Le chant de la mutilation de Jason Hrivnak. Pas une lecture forcément agréable parce que le texte, surtout de la façon dont il est dit (le narrateur est un démon qui parle à sa victime donc c’est parfois très sale) est très éprouvant, mais en même temps il y a presque une lumière dans toute cette noirceur, un peu comme dans La maison des épreuves que j’avais lu l’année précédente, où il y a quelques trous d’air dans la chape de plomb du désespoir qui recouvre tout le livre. Une expérience du moins à faire. 
  • Puis, un de mes auteurs fétiches, Albert Camus : L’homme révolté, qui aussi, à sa manière, m’a retourné de fond en comble, n’a rien apporté de forcément neuf à ma façon de penser mais, comme souvent, a mis des mots sur des pensées que j’avais déjà et ça fait du bien de se sentir validé.
  • Autres lectures philo :
    • La poétique d’Aristote que j’ai du lire pour un séminaire en philo antique.
    • Par-delà le bien et le mal de Nietzsche, qui explicite certaines thématiques déjà abordées dans Ainsi parlait Zarathoustra, mais toujours dans le ton sibyllin et mordant de tonton Friedrich, ce qui se laisse lire même si on ne comprend pas tout. Petit bémol sur certaines réflexions malheureusement par trop misogynes…
  • Coup de cœur mitigé (oui, avec le recul je constate aussi ses défauts) sur Les Furtifs de Damasio. Comme toujours sa réflexion socio-politique et philosophique me parle beaucoup, son écriture est pour ainsi dire parfaite bien que manquant parfois d’une certaine subtilité, et l’intrigue est pleine d’espoir dans un changement vers un monde meilleur… Seulement, il a manqué quelque chose qui m’avait fait adorer La horde du contrevent que je n’ai pas retrouvé ici. La magie de la première fois peut-être ?

Place aux lectures de l’été qui sont allées de claque en claque.

  • Tout d’abord, La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski, qui a l’air déroutant quand on l’ouvre, mais on s’y fait très vite. Il faut juste aimer sinon accepter être balloté, devoir parfois tourner le livre dans tous les sens, et il faut accepter de ne pas pouvoir tout saisir de prime abord – comme chaque fois qu’on lit un chef-d’oeuvre : il ne dévoile pas tous ses secrets en une fois. Et outre sa forme qui a déjà fait couler assez d’encre, l’histoire derrière, très classique, est raconté d’une manière très belle car sincère.
  • Retour à un peu de philo avec Sur la piste animale de Baptiste Morizot et Une nouvelle Terre de Dominique Bourg, les deux traitant chacun à sa manière avec brio de notre rapport en tant qu’humains à la nature. Deux essais écologiques qui peuvent être une bonne base pour vos réflexions personnelles.
  • Dans les classiques de l’été, Au bonheur des Dames a été mon annuel Zola, toujours aussi… Zola, bien que moins tragique que ceux que j’ai pu lire précédemment, comme L’assomoir qui est peut-être le pire (du coup le meilleur ?) à ce niveau-là. J’ai aussi continué ma lecture annuelle de La recherche du temps perdu avec cette année le volume Sodome et Gommorhe.
  • Le plus gros pavé de l’été fut sans conteste L’arc-en-ciel de la gravité, de nouveau du Pynchon, qui a été un coup de cœur x1000 par rapport à V. et au Lot 49, du décollage au brenschluss et ce jusqu’à l’atterrissage.
  • Après, un livre plus court mais non moins intéressant et plaisant, Confessions d’un masque de Yukio Mishima, roman autobiographique qui évoque une certaine tourmente mentale du narrateur, et écrit dans un style ciselé un rien trop cérébral.
  • Pour étoffer un travail écrit à rendre, je me suis forcé à lire 300 de Frank Miller. Le dessin était très bon, bien qu’esthétisant la violence de manière un peu trop outrancière. De plus, le sous texte fascisant voire carrément facho m’a donné envie de vomir. Pour être honnête, je la déconseille fortement. 
  • Dernière lecture de l’été : Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, joli petit classique de la littérature sud-américaine qui réfléchit sur notre rapport au temps, à l’hérédité ou encore au destin, en faisant référence à plusieurs épisodes de l’histoire de la Colombie et de l’amérique latine toute entière.

Finalement, les lectures de l’automne et de la fin de l’année :

  • J’ai commencé l’automne avec Le dragon Griaule de Lucius Shepard, qui m’a été recommandé par une libraire : j’ai été très content de lui faire confiance. C’est un recueil de nouvelles qui oscille entre la soft fantasy, le thriller politique et un peu de SF, qui raconte l’histoire d’un pays « du sud » influencé par un dragon et ses desseins maléfiques…
  • Après avoir lu un grand nombre de ses traductions, je me suis mis au dernier roman de Claro, Substance, qui s’amuse aussi à brouiller les genres entre fantastique et SF, avec son histoire de médium ami avec une abductée, en même temps qu’il entame des réflexions sur notre rapport notamment à la mort.
  • J’ai aussi (enfin) commencé à découvrir l’œuvre de Guy Gavriel Kay avec Les lions d’Al-Rassan. Si, à mon sens, il ne réinvente pas l’écriture, il a effectivement un style très beau, poétique sans tomber dans le cliché, et une façon de raconter les histoires extrêmement plaisante, il sait jouer avec les émotions de ses lecteurs.
  • Techniquement je ne l’ai pas fini, mais j’ai aussi lu le premier volume de Don Quichotte qui, à quelque part, me déçoit presque. Peut-être que j’en attendais trop, ou pas ce que j’ai lu, même si dans l’absolu il est très bon, très édifiant et surtout très drôle. Mais comme pour Les furtifs il m’a manqué quelque chose. Je compte terminer le deuxième volume avant le printemps 2020. Les dieux veuillent que j’y parvienne !
  • Après cela, je suis parti vers l’Europe de l’Est, dans un objectif personnel de lire moins d’auteurs français ou américains, au profit des autres. J’ai ainsi lu Tango de Satan, le premier roman de Laszlo Krasznahorkai (qui inspirera le film fleuve de Bela Tarr). Un peu comme Le chant de la mutilation, une histoire sombre ou du moins pas très joyeuse, mais une écriture très bonne et bien travaillée – dont on perd surement quelques subtilités dans la traduction, mais la vie est trop courte pour apprendre le hongrois.
  • Un gros coup de coeur de l’automne fut Watchmen. Je ne sais pas s’il y a besoin de dire grand-chose là-dessus à part « Lisez le !!!!!! » Cela m’a bien motivé à entamer le Jérusalem d’Alan Moore tôt ou tard en 2020. Peut-être cet été, on verra…
  • Pour un cours, j’ai du lire Les métamorphoses ou l’Âne d’Or d’Apulée, gros classique du roman en latin, qui avait pas mal de points communs avec Don Quichotte, ce qui m’a peut-être permis de mieux apprécier l’un et l’autre.
  • Dernière grosse grosse grosse grosse claque de 2019, le chef-d’œuvre du XXIème siècle qu’est Solénoïde de Cartarescu. Dans ce roman il y a tout – ou presque – pour me plaire ou du moins pour plaire à une des facettes les plus influentes de ma constellation imaginaire. 
  • Finalement, dernière lecture de 2019, le recueil de nouvelles Axiomatique de Greg Egan, de la bonne hard SF qui peut parfois être aussi déroutante. Le livre pourrait tomber des mains des plus démunis face aux expériences de pensée. J’entamais 2019 sur de la SF, je le termine avec, la boucle est bouclée.

Je ne veux pas faire de liste de lecture pour 2020. Car même si j’en faisais une, j’ai le défaut de papillonner de livre en livre, d’en commencer trop en même temps et de mettre des plombes avant d’en finir un seul de la liste. C’est le problème de tous vouloir les lire : j’aimerais pouvoir les lire en même temps, mais je n’en suis naturellement pas capable ! Je me laisse, comme je te laisse, chère lectrice, cher lecteur, la surprise de ce que je vais chroniquer (ou pas) sur ce site.

Bonne année 2020 à toutes et à tous ! Santé, bonheur et surtout beaucoup de bonnes lectures ! 

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